Bébé cajolé ferait un enfant plus équilibré

Bébé cajolé ferait un enfant plus équilibré

Il ne faudrait jamais sous-estimer le pouvoir d'un câlin. Et pour cause. Outre son pouvoir calmant et rassurant, la caresse maternelle jouerait un rôle clé dans le développement génétique de l'enfant, a découvert un chercheur de l'hôpital Douglas qui s'intéresse aux relations mère-nourrisson. Loin d'être tirée par les cheveux, sa théorie prend appui sur de solides travaux de recherche qui ont démontré que les caresses ont le pouvoir d'activer ou de désactiver les principaux gènes qui gèrent notre réaction au stress.

Récapitulons. Tout a commencé il y a quelques années au laboratoire de l'hôpital Douglas en observant des rates lécher leurs petits, l'équivalent chez l'humain de la caresse maternelle. Chez l'animal comme chez l'humain, les mères se comportent différemment avec leurs bébés, les unes cajolant plus que les autres.

Mais voilà, cette caresse aurait des conséquences insoupçonnées sur la production d'hormones liées au stress, y compris les glucocorticoïdes. «On a montré que, plus la stimulation maternelle était importante, moins la réponse au stress était grande», raconte celui qui est à l'origine de cette découverte, Michael Meaney, aussi directeur adjoint du Centre de recherche de l'hôpital Douglas.

Généralement, les glucocorticoïdes sont libérés pour aider l'organisme à gérer un stress lorsque celui-ci survient. Sur une longue période de stress toutefois, ce système de réaction peut devenir néfaste et favoriser la maladie cardiaque, le diabète, une dysfonction du système immunitaire ou la maladie mentale. Essentiels au bon fonctionnement de l'hippocampe — un centre cérébral associé à l'apprentissage et à la mémoire —, les glucocorticoïdes peuvent entraîner des troubles de mémoire lorsqu'ils sont présents en trop grande quantité.

Dans le cas présent, il semble que la stimulation associée au léchage entraîne une modification de la fonction génétique de cette hormone dans le cerveau des ratons. Le léchage favoriserait en effet une réduction de la production de glucocorticoïdes.

«On parle d'un effet génétique, mais il ne faut pas croire que la stimulation tactile ou son absence peut modifier la séquence même du gène, précise M. Meaney, qui parle plutôt de l'effet de l'interaction de l'ADN du gène avec les protéines qui l'enveloppent. «C'est cette interaction qui détermine la fonction de l'ADN. Et c'est à ce niveau que la stimulation tactile a une influence, faisant en sorte que le gène est plus ou moins actif d'un individu à l'autre.»

Depuis avril, quinze laboratoires de Toronto et de Montréal, dont celui de l'hôpital Douglas, sont sur cette piste qu'ils exploreront pendant cinq ans auprès de 250 à 300 couples mère-nourrisson. L'objectif de cet ambitieux projet baptisé MAVAN (Maternal Adversity Vulnerability and Neurodevelopment)? Déterminer si certains gestes parentaux, comme la caresse, ont les mêmes effets sur l'ADN des nourrissons.

Présentée hier à l'occasion d'une conférence scientifique organisée par le Centre de recherche de l'hôpital Douglas, un événement qui se poursuit aussi aujourd'hui, la théorie de Michael Meaney est si solide qu'elle lui a valu une publication dans le Nature Neurosciences du mois d'août.

On savait déjà que les enfants nés avec un faible poids risquaient davantage de développer des troubles intellectuels, comme le trouble de déficit de l'attention/hyperactivité (TDAH). Mais les variations étonnantes remarquées dans le développement des enfants chicotaient le chercheur. «J'ai voulu savoir si l'environnement post-natal pouvait déterminer les conséquences résultant de facteurs de risque exprimés pendant la période pré-natale.»

Pour ce faire, il entend soumettre tous les nouveau-nés de son échantillon à des tests pour déterminer la présence de 22 gènes associés à un comportement agressif ou antisocial, ainsi qu'à des troubles d'apprentissage comme le TDAH.

Le projet est extrêmement délicat. En effet, pour étayer cette thèse, il faut que les mères agissent différemment avec leur bébé. Puisque les mères qui souffrent de dépression grave peuvent avoir de la difficulté à créer des liens avec leur enfant et ont tendance à ne pas les cajoler autant que les autres mères, l'équipe de Michael Meaney a choisi de suivre l'évolution d'un groupe de mères dépressives qu'elle comparera à un groupe témoin. Évidemment, toutes les femmes dépressives participant à l'étude recevront un traitement.

Le projet est d'aller au-delà des idées reçues véhiculées en psychologie, explique M. Meaney. «Le problème avec les psychologues, c'est qu'ils ont identifié toutes les conséquences du comportement de la mère sur le développement de l'enfant sans expliquer pourquoi l'influence parentale est plus importante chez certains enfants que chez d'autres.»

Si les modèles observés chez les humains vont dans le sens des données recueillies au sujet des rats, Michael Meaney prédit que les enfants dont la mère est moins affectueuse seront prédisposés à certains problèmes, comme l'hyperactivité avec déficit de l'attention.

Rien n'est toutefois perdu puisqu'il semble que cet effet, s'il est stable, soit aussi réversible. Ainsi, si le petit d'une rate peu portée à lécher est «adopté» par une rate qui lèche beaucoup ses petits, il affichera un développement normal, un renversement qui peut même se produire après la puberté.
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